Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/189

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Je rentrais des premières vêpres. Le carillon du clocher de Sviatogorsk joua, en manière de prélude, son air mélodieux et doux ; puis il sonna minuit. La grande enceinte du monastère, étalée sur la rive du Donéts, au pied de la Montagne Sainte, tout entourée comme de hautes murailles des vastes bâtiments de l’hôtellerie, présentait, dans l’obscurité, éclairée à peine par de faibles lanternes, par les feux des fenêtres et par les étoiles, un fouillis pittoresque et un grouillement des plus originaux. Aussi loin que la vue pouvait aller, on ne voyait que toutes sortes de télègues, de kibitkas [1], de fourgons, d’arbas et de guimbardes autour desquels se pressaient des chevaux blancs et bruns, des bœufs cornus, des gens affairés et des frères convers, vêtus de longues robes noires. Des rais de lumière venant des fenêtres, et des longues ombres, glissaient sur les véhicules, les chevaux et les gens, et leur donnaient les formes les plus fantastiques. Des brancards s’allongeaient jusqu’

  1. Les télègues sont des chariots primitifs rustiques ; les kibitkas des chariots à bâche. Les arbas sont des chariots à la mode tatare ou turque.