Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/225

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dans la loi nouvelle non-seulement les représailles et la vengeance, mais jusqu’au souvenir et à la pensée de l’outrage ; autant il nous devient visible dans quel but il exigea « œil pour œil, dent pour dent. » Que voulait-il ? Permettre la seconde injure, c’est-à-dire la peine du talion ? Nullement. Il avait prohibé l’injure en interdisant la violence. Il cherchait à étouffer la pensée de l’agression par la certitude des représailles, afin que tout individu reculât devant l’outrage, à l’aspect de l’outrage qui l’attendait lui-même. La violence, il le savait bien, est plus facilement contenue par la crainte des représailles humaines que par la foi d’un Dieu vengeur. La loi qui avait à conduire des hommes dont le caractère et la foi ne sont pas les mêmes, a du leur parler un langage différent. À qui croyait en Dieu, elle disait : Attends la vengeance du Père céleste. A celui dont la foi était chancelante : Crains la vengeance de la loi. De grossières intelligences avaient jusqu’alors mal compris son intention finale. Le maître do sabbat, de la loi et de toutes les dispositions paternelles est venu l’éclairer de sa lumière, et nous en mettre en possession. Il a recommandé au chrétien de tendre aux affronts l’autre joue, afin d’extirper dans sa racine la possibilité de l’injure que la loi ancienne étouffait par le talion, et que la prophétie combattait certainement alors que, défendant le souvenir de l’outrage, elle réservait la vengeance à Dieu lui seul. Ainsi, le Christ, s’il a innové, a innové non pas en adversaire, mais en défenseur du précepte, maintenant la loi du Créateur, au lieu de la détruire.

Approfondissons les motifs d’une patience si pleine, si rigoureuse. Hors du domaine d’un Dieu promettant la vengeance et assis sur le tribunal du juge, nous défions qu’on lui en assigne un seul. En effet, que le législateur, après m’avoir écrasé sous le fardeau de la patience, et m’avoir dit : Non-seulement tu ne frapperas point à ton tour, mais tu présenteras l’autre joue ; non-seulement tu ne