Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/226

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répondras point à l’invective par l’invective, mais tu béniras ton oppresseur ; non-seulement tu ne défendras point la tunique, tu abandonneras encore ton manteau ; qu’un pareil législateur ne me venge pas un jour, il m’aura imposé une obligation stérile en me dépouillant du salaire de ma résignation qui appelle un vengeur. Point de milieu ! Qu’il remette dans mes mains la vengeance, s’il n’en prend pas le soin ; ou, s’il ne me la confie pas, qu’il s’en charge lui-même. Le maintien de la loi se lie essentiellement à la répression de l’outrage. C’est la crainte de la vengeance qui enchaîne l’iniquité. Lâchez-lui la bride de l’impunité : la voilà qui marche la tôle haute, et, dans la sécurité de ses forfaits, arrache l’un et l’autre œil, brise l’une et l’autre joue. Il n’y a qu’un Dieu débonnaire et apathique qui puisse livrer sans contre-poids la résignation à l’insulte, ouvrir la porte à toutes les violences, sans défendre les bons, sans réprimer les méchants.

« Donnez à tous ceux qui vous demandent ! » Au pauvre, par conséquent, ou à plus forte raison, au nécessiteux, si la loi n’excepte pas le riche lui-même. Mon Créateur prescrit l’aumône au livre du Deutéronome, par une injonction semblable. « Et il n’y aura parmi vous aucun mendiant, afin que le Seigneur votre Dieu vous bénisse sur la terre. » Vous, c’est-à-dire celui qui donne pour empêcher l’indigence. La loi ancienne va plus loin : elle n’attend pas lés sollicitations du pauvre : « Qu’il n’y ait pas d’indigent parmi vous. » Qu’est-ce à dire ? Prévenez ses besoins. L’obligation de donner à qui demande est établie par les mots suivants : « Si un de vos frères tombe dans la pauvreté, vous n’endurcirez point votre cœur, et vous ne fermerez point votre main ; mais vous l’ouvrirez au pauvre, et vous lui prêterez tout ce qu’il demande. » Le prêt, en effet, n’a lieu que sur une demande ; mais la question du prêt aura son tour.

Maintenant, objectera-t-on que le Créateur restreignait l’obligation de la miséricorde à nos frères, tandis que le Christ