Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

divine et l’humaine, également véritables, où une même foi reconnaît la réalité de l’esprit et la réalité de la chair. Les miracles ont manifesté l’Esprit de Dieu, les souffrances ont attesté la chair de l’homme. Si les miracles n’allaient point sans l’Esprit, les souffrances n’allaient pas non plus sans la chair. Si les souffrances et la chair étaient imaginaires, l’Esprit était donc également chimérique, aussi bien que les miracles. Pourquoi donc nous ravir par un mensonge la moitié du Christ ? Il a été toute vérité. Crois-moi, il a mieux aimé naître que de mentir par quelque endroit, et surtout contre lui-même, en feignant de porter une chair, ferme sans os, solide sans muscles, colorée sans qu’elle renfermât de sang, revêtue sans avoir la peau pour tunique, affamée sans éprouver la faim, mangeant sans dents pour manger, parlant sans langue pour parler, de sorte que ses paroles furent pour les oreilles qui l’entendaient un fantôme par l’image de la voix. Il n’a donc été aussi qu’un fantôme après sa résurrection, lorsqu’il présenta ses pieds et ses mains à ses disciples, en leur disant : « Regardez ; c’est moi-même ; un esprit n’a point d’os comme vous voyez que j’en ai. » En effet, c’est la chair et non pas l’esprit qui a des pieds, des mains et des os. Parle, Marcion ; quel sens donnes-tu à cette déclaration, toi qui nous introduis un Jésus envoyé par un Dieu très-bon, par un dieu de paix et qui n’est que bon ? Le voilà qui trompe, qui surprend, qui abuse tous les yeux, qui se joue de tous les sens, qui se laisse voir, aborder, toucher. Ce n’était donc pas du ciel qu’il fallait faire descendre ton Christ, mais le prendre à quelque troupe de bateleurs. Tu devais nous l’offrir, non pas comme un dieu-homme, mais comme un magicien ; non pas comme le pontife du salut, mais comme un artisan de vains spectacles ; non pas comme quelqu’un qui ressuscite les morts, mais comme quelqu’un qui perd les vivants. Toutefois, s’il a été magicien, il était donc né réellement.

VI. Mais quelques disciples de l’habitant du Pont, forcés