Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/476

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ses meilleurs amis néanmoins. Car personne qui vive plus selon les lois de la chair que ceux qui nient la résurrection de la chair. En niant que des châtiments l’attendent, ils méprisent aussi la discipline. Le Paraclet a dit d’eux avec beaucoup de sagesse par la prophétesse Prisca : « Ils sont chair et ils haïssent la chair. »

Que si la dignité de la chair est une garantie suffisante qu’elle a des droits à l’espérance du salut, ne convient-il pas d’interroger la puissance, la vertu et la volonté de Dieu, afin de savoir s’il est assez grand pour réédifier et rendre à sa forme première le tabernacle de la chair, tombé de lui-même en ruines, dévoré ou disparu par quelque accident que ce soit ? N’a-t-il pas donné dans le domaine de la nature des témoignages assez publics de ce droit qui lui appartient, pour qu’il soit impossible de ne pas connaître ce Dieu, en qui l’on ne croit pas, à moins de croire qu’il peut tout ? Sans doute, il s’en trouve chez les philosophes qui soutiennent que le monde n’a pas eu de commencement ni d’auteur. Mais ce qui vaut, mieux pour nous, c’est que la plupart des hérésies, accordant que ce monde avait eu un commencement et un auteur, en attribuent la création à notre Dieu. Tiens donc pour certain que Dieu a tiré du néant tout cet univers, et, avec celle ferme confiance que Dieu est assez puissant pour cela, tu connais Dieu. Quelques esprits, trop faibles pour s’élever d’abord jusqu’à cette foi, se persuadent, d’après les philosophes, que Dieu a créé l’universalité des êtres avec une matière préexistante, Or, quand même on admettrait la vérité de cette assertion, du moment que Dieu a produit avec cette matière des substances et des formes toutes différentes de cette matière primitive, je n’en puis pas moins établir qu’il les a produites de rien, s’il a produit des êtres qui n’existaient point auparavant. Qu’une créature soit faite de rien ou de quelque chose, qu’importe ? pourvu que ce qui n’a jamais existé, existe, puisque n’avoir pas existé, c’est n’avoir rien été, tandis qu’au contraire