Page:The American Mercury, vol. 34, n° 136 (extrait There is no communism in Russia), avril 1935.djvu/10

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depuis longtemps d’inspirer les chefs bolcheviks. Le pouvoir et le renforcement du pouvoir sont devenus leur seul but. Mais la soumission abjecte, l’exploitation et l’avilissement des hommes ont transformé la mentalité du peuple.

La nouvelle génération est le produit des principes et méthodes bolcheviks, le résultat de seize années de propagation d’opinions officielles, seules opinions permises dans ce pays. Ayant grandi dans un régime où toutes les idées et les valeurs sont édictées et contrôlées par l’État, la jeunesse soviétique sait peu de choses sur la Russie elle-même, et encore moins sur les autres pays. Cette jeunesse compte de nombreux fanatiques aveugles, à l’esprit étroit et intolérant, elle est privée de toute perception morale, dépourvue du sens de la justice et du droit. A cet élément vient s’ajouter l’influence de la vaste classe des carriéristes, des arrivistes et des égoïstes éduqués dans le dogme bolchevik : «La fin justifie les moyens.» Néanmoins il existe des exceptions dans les rangs de la jeunesse russe. Un bon nombre d’entre eux sont profondément sincères, héroïques et idéalistes. Ils voient et sentent la force des idéaux que revendique bruyamment le Parti. Ils se rendent compte que les masses ont été trahies. Ils souffrent profondément du cynisme et du mépris que le Parti prône envers toute émotion humaine. La présence des komsomols dans les prisons politiques soviétiques, les camps de concentration et l’exil, et les risques incroyables que certains d’entre eux prennent pour s’enfuir de ce pays prouvent que la jeune génération n’est pas seulement composée d’individus serviles ou craintifs. Non, toute la jeunesse russe n’a pas été transformée en pantins, en fanatiques, ou en adorateurs du trône de Staline et du mausolée de Lénine.

La dictature est devenue une nécessité absolue pour la survie du régime. Car là où règnent un système de classes et l’inégalité sociale, l’État doit recourir à la force et à la répression. La brutalité d’un tel régime est toujours proportionnelle à l’amertume et au ressentiment qu’éprouvent les masses. La terreur étatique est plus forte en Russie soviétique que dans n’importe quel pays du monde civilisé actuel, parce que Staline doit vaincre et réduire en esclavage une centaine de millions de paysans entêtés. C’est parce que le peuple hait le régime que le sabotage industriel est aussi développé en Russie, que les transports sont aussi désorganisés après plus de seize années de gestion pratiquement militarisée ; on ne peut expliquer autrement la terrible famine dans le Sud et le Sud-Est, en dépit des conditions naturelles favorables, malgré les mesures les plus sévères prises pour obliger les paysans à semer et récolter, et malgré l’extermination et la déportation de plus d’un million de paysans dans les camps de travail forcé.

La dictature bolchevik incarne une forme d’absolutisme qui doit sans cesse se durcir pour survivre, qui supprime toute opinion indépendante et toute critique dans le Parti, à l’intérieur même de ses cercles les plus élevés et les plus fermés. Il est significatif, par exemple, que les bolcheviks et leurs agents, stipendiés ou bénévoles, ne cessent d’assurer au reste du monde que «tout va bien en Russie soviétique» et que «la situation s’améliore constamment». Ce type de discours est aussi crédible que les propos pacifistes que tient Hitler, alors qu’il accroît frénétiquement sa force militaire.

Loin de s’adoucir, la dictature est chaque jour plus impitoyable. Le dernier décret contre les prétendus contre-révolutionnaires, ou les traîtres à l’État soviétique, devrait convaincre même certains des plus ardents thuriféraires des miracles accomplis en Russie. Ce décret renforce les lois déjà existantes contre toute personne qui ne peut pas, ou ne veut pas, respecter l’infaillibilité de la Sainte Trinité — Marx-Lénine- Staline.