Page:Thiers - Histoire du Consulat et de l’Empire, tome 12.djvu/10

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un instant pour la réflexion, je voyais moins tel ou tel individu passager portant un nom de notre époque, que les éternelles figures de tous les temps et de tous les lieux, qui à Athènes, à Rome, à Florence, avaient agi autrefois comme celle que je voyais se mouvoir sous mes yeux. J’étais à la fois moins irrité et moins troublé, parce que j’étais moins surpris, parce que j’assistais non à une scène d’un jour, mais à la scène éternelle que Dieu a dressée en mettant l’homme en société avec ses passions grandes ou petites, basses ou généreuses, l’homme toujours semblable à lui-même, toujours agité et toujours conduit par des lois profondes autant qu’immuables.

Ma vie, j’ose le dire, a donc été une longue étude historique, et si on en excepte ces moments violents où l’action vous étourdit, où le torrent des choses vous emporte au point de ne pas vous laisser discerner ses bords, j’ai presque toujours observé ce qui se passait autour de moi, en le rapportant à ce qui s’était passé ailleurs, pour y chercher ce qu’il y avait de différent ou de semblable. Cette longue comparaison est, je le crois, la vraie préparation de l’esprit à l’exécution de cette épopée de l’histoire, qui n’est pas condamnée à être décolorée parce qu’elle est exacte et positive, car l’homme réel qui s’appelle tantôt Alexandre, tantôt Annibal, César, Charlemagne, Napoléon, a sa poésie, bien que dif-