Page:Thoinan - Les Relieurs français, 1893.djvu/190

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aspirations à leur début qu’elle ne profila des charmants modèles que lui offrit ce style arrivé à son éclosion. C’est en vain que les plus jolis motifs du genre convenaient admirablement, nous semble-t-il, à la reliure, personne ne fit la moindre tentative pour les y approprier.

À cette époque, nous ne le savons que trop, les tendances artistiques des doreurs en général et de Derome le jeune, en particulier, n’existaient pas et, pourvu qu’ils possédassent à un degré quelconque une certaine habileté professionnelle, ils se contentaient de suivre la routine, sans rien voir au delà.

Aussi quand les reliures anglaises, on ne sait vraiment ni pourquoi, ni comment, devinrent à la mode, aucun des praticiens d’alors n’eut la pensée de lutter, de réagir contre cet engouement vraiment inexplicable. Tous, au contraire, aidèrent à propager ces dorures insignifiantes, sans style comme sans effet. Derome lui-même n’échappa pas à la contagion et cultiva sans s’en défendre la reliure britannique. (Yoy. pl. XXXI.)

Des filets maigres, des points, des perles creuses, de petits fleurons vides, voilà ce qui nous était venu d’Angleterre. C’était d’une sécheresse absolue, d’une pauvreté désespérante. Si certains de nos relieurs, croyant sans doute obvier à cette froideur d’aspect, imaginèrent d’y intercaler des paraphes gras et maigres, des bordures de maîtres d’écriture, des vases ou autres motifs imitant également les dessins à la plume, ils ne firent en somme qu’ajouter, par ces inventions prétendues ingénieuses, à la mesquinerie du système !

On avait commencé depuis quelques années à supprimer les nerfs dans les reliures ordinaires, à faire des dos unis qu’on décorait d’un dessin à répétition, poussé au moyen d’une même palette ; les Anglais, de leur côté, ne faisant plus de nerfs depuis longtemps, on se dépêcha de les imiter et toutes les reliures, les plus riches comme les plus ordinaires, furent à dos unis. C’est ce qui entraîna un relieur du nom de Delorme, désireux de surpasser ses confrères en anglomanie, à opérer comme il avait appris que nos voisins avaient l’habitude d’opérer en fait de couture. Il rognait les livres par le dos, les enduisait de colle-forte


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