Page:Thoinan - Les Relieurs français, 1893.djvu/192

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et ne les cousait pas, afin d’obtenir des dos d’épaisseur égale[1]. Que dire après cela ? Quel plaisir durent éprouver ceux qui lui avaient confié l’embellissement de leurs livres rares ?

C’est sans doute encore dans le but d’atténuer la pénurie de tous les piètres ornements importés d’outre-Manche qu’on colla aux gardes et au contre-plats des volumes ces affreux papiers dorés et argentés, unis, à fleurs, ou étoilés ? L’idée toutefois n’était pas heureuse, car ces papiers clinquants, en s’oxydant, salissaient et les volumes et les mains, inconvénient que n’avait pas le tabis de soie employé en doublure depuis quelque temps et qu’on eut le plus grand tort de délaisser.

Enfin, sauf Derome jeune et quelques maîtres en très petit nombre, les relieurs et doreurs étant en général peu capables, la corporation traversait une phase d’infériorité marquée, par rapport à l’habileté qui y avait régné à diverses reprises. On marchait donc à grands pas vers la décadence, quand l’introduction du genre anglais et l’accueil empressé qu’on lui fit portèrent le dernier coup à l’art dans lequel les relieurs parisiens s’étaient illustrés pendant près de trois siècles.


La confection des livres se ressentit, sous la Révolution et sous l’Empire, de cette inhabileté et de cette absence de goût chez les relieurs et les doreurs d’alors. Corps d’ouvrage, dorure, choix d’ornements, tout y fut inférieur!

Avec la Restauration, il y eut comme un regain d’émulation ; il se forma des praticiens non moins soigneux que très adroits et qui, jusque vers 1840, encouragés par quelques bibliophiles passionnés, firent de très bonnes reliures. Malheureusement leurs dorures, pour lesquelles cependant ils se croyaient consciencieusement dans la bonne voie, étaient du plus pauvre style. Elles ne seront pas plus imitées dans l’avenir, c’est certain, que ne le seront les meubles ou autres productions décoratives ayant vu le jour sous Louis XVIII, Charles X et au commencement du règne de Louis-Philippe.

  1. Voy. la biographie des Delorme, ad finem.