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JOURS BLEUS


I


J’ai choisi lointaine la clairière où nous nous aimerons. Lorsque luit le tendre soleil de mai, il pleut là des gouttes d’or à travers les feuilles. Les coquelicots triomphants et les pudiques pervenches y dansent les anciennes pavanes. Auprès des lilas frais éclos, les gazons semés de boutons d’or nous offrent, avec pour dentelles les mousses, une couche parfumée où sombreront en un rut formidable sa foi et ma pensée. J’ai souventes fois parcouru le chemin mystérieux qui conduit au sanctuaire. Ainsi les herbes foulées sembleront plus douces à ses pieds délicats. Un matin parmi l’hymen universel des choses nos bouches se baiseront ; puis, un grand trouble dans les yeux nous serons profondément l’un à l’autre. Une langueur nous viendra au souvenir de l’heure exquise, et nous mourrons de l’intensité de ces ivresses vécues au delà du monde. J’ai choisi lointaine la clairière où nous nous aimerons.


II


Ma maîtresse sera très svelte, nubile à peine, si blanche que les impériales Lesbiennes s’agenouilleront devant elle. Oh ! sous les cils courbes la caresse cruelle de son regard ! Virginale, mais vicieuse, elle sollicitera les malsaines voluptés, sans que les attouchements de l’homme mettent un incarnat à ses joues pâles. Sur son passage, comme ils chantent les oiseaux, lorsque nue, fièrement, elle va à l’étang prochain mirer dans l’eau émue l’impeccable gracilité de ses formes. Sa chair, inconsciemment, appelle la brutalité du mâle, tandis