Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/224

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ment choisit parmi eux, non les hommes qui ont commis les plus grands crimes, mais ceux qui ont une profession et savent exercer une industrie. Il s’empare de ceux-là et les occupe aux travaux publics de la colonie. Les criminels ainsi réservés pour le service de l’État ne forment que le huitième de la totalité des condamnés[1], et leur nombre tend sans cesse à décroître à mesure que les besoins publics diminuent eux-mêmes. À ces détenus est appliqué le régime des prisons d’Angleterre, à peu de choses près, et leur entretien coûte très-cher au trésor.

À peine débarqué dans la colonie pénale, le reste des criminels est distribué parmi les cultivateurs libres. Ceux-ci, indépendamment des nécessités de la vie, qu’ils sont obligés de fournir aux condamnés, doivent encore rétribuer leurs services à un prix fixé.

Transporté en Australie, le criminel, de détenu qu’il était, devient donc réellement serviteur à gages. Ce système, au premier abord, paraît économique pour l’État ; nous en verrons plus tard les mauvais effets.

Divers calculs, dont nous possédons les bases, nous portent à croire qu’en 1829, dernière année connue, l’entretien de chacun des 15,000 condamnés qui se trouvaient alors en Australie a coûté à l’État au moins 12 livres sterling ou 302 francs[2] .

    par le Parlement britannique, volumes intitulés : Reports commitees, tomes XC et XCI. — Rapport fait par M. Bigge en 1822, même collection. — Rapport de la commission chargée de l’examen du budget des colonies, 1830, même collection.

  1. En 1828, sur 15,068 condamnés, 1,918 étaient employés par le gouvernement. Documents parlementaires anglais, vol. XXIII.
  2. Chaque détenu dans les hulks, espèces de bagnes flottants établis dans plusieurs ports de la Grande-Bretagne, ne coûte annuellement, déduction faite du prix de son travail, que 6 liv. sterl. (environ 165 fr.). Il est vrai de dire que d’un autre côté l’entretien de chaque individu détenu dans le pénitencier de Milbank revient annuellement à environ 35 liv. sterl. ou 882 fr. Voyez Enquête faite par ordre du Parlement britannique en 1832.