Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/223

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premières difficultés sont vaincues. La colonie pénale existe, il s’agit d’en examiner les effets.

La première question qui se présente est celle-ci : Y a-t-il économie pour l’État dans le système des colonies pénales ? Si l’on fait abstraction des faits pour ne consulter que la raison, il est permis d’en douter ; car, en admettant que l’entretien d’une colonie pénale coûte moins cher à l’État que celui des prisons, à coup sûr sa fondation exige des dépenses plus considérables, et s’il y a économie à nourrir, entretenir et garder le condamné dans le lieu de son exil, il est fort cher de l’y transporter[1]. D’ailleurs, toute espèce de condamnés ne peut être envoyée à la colonie pénale ; le système de la déportation ne fait donc pas disparaître l’obligation d’élever des prisons.

Les écrivains qui, jusqu’à présent, se sont montrés les plus favorables à la colonisation des criminels, n’ont pas fait difficulté de reconnaître que la fondation d’un établissement pénal de cette nature était extrêmement onéreuse pour l’État. On n’a pas pu encore déterminer avec exactitude ce qu’il en avait coûté pour créer les colonies de l’Australie ; nous savons seulement que, de 1786 à 1819, c’est-à-dire pendant 52 ans, l’Angleterre a dépensé, dans sa colonie pénale, 5,301,623 livres sterling, ou environ 133,600,000 francs. Il est certain, du reste, qu’aujourd’hui[2] les frais d’entretien sont beaucoup moins élevés que dans les premières années de l’établissement ; mais sait-on à quel prix ce résultat a été obtenu ?

Lorsque les détenus arrivent en Australie[3], le gouverne-

  1. Pendant les années 1828 et 1829, chaque détenu envoyé en Australie a coûté à l’État, pour frais de transport, environ 20 livres sterling (555 francs). — (Documents législatifs envoyés par le Parlement britannique, vol. XXIII, p. 23).
  2. La livre sterling (pound sterling) vaut communément 25 fr. 20 c : le schelling 1 fr. 24. c.
  3. Enquêtes faites par ordre du Parlement britannique en 1812 et 1810. Ces enquêtes se trouvent au nombre des documents législatifs envoyés