Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/28

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Le monde éclata en cris d’admiration à cette vue, et l’on fut excusable de croire que celui qui donnait de tels spectacles aux hommes était en quelque sorte lui-même plus qu’un homme.

La chose était en effet admirable et extraordinaire, mais elle n’était point aussi merveilleuse que se le figuraient ceux qui en étaient les témoins. Il s’était rencontré, pour l’accomplir, des facilités si singulières, mais en même temps si cachées, que peut-être le principal effort du génie de Napoléon a-t-il été de les découvrir.

Plusieurs de ces facilités ont été montrées et sont bien connues.

Je ne parlerai donc point de la destruction complète de toutes les anciennes lois, qui semblaient nécessiter et légitimer toutes les nouvelles ; de la lassitude des âmes qu’une si longue et si rude tempête avait épuisées ; de la passion des conquêtes qui avait succédé à celle de la liberté, et qui, tôt ou tard, devait faire tomber le sceptre dans les mains d’un soldat ; du besoin enfin qu’éprouvaient tous ceux dont la révolution avait amélioré l’état, de se procurer une organisation sociale quelconque, qui leur permît de mettre à couvert les fruits de la victoire et d’en jouir ; toutes ces causes étaient accidentelles et passagères ; il y en a de profondes et de plus permanentes.

Le dix-huitième siècle et la révolution, en même temps qu’ils introduisaient avec éclat dans le monde de nouveaux éléments de liberté, avaient déposé, comme en secret, au sein de la société nouvelle, quelques