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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/517

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lait se servir étaient engagés pour un temps indéfini dans les lois du service ; que le roi pouvait en disposer comme bon lui semblait, qu’il lui était loisible de les forcer de rester dans la colonie, de les retenir plus ou moins longtemps dans les liens de la discipline militaire, et, après les en avoir affranchis, de les soumettre encore à un régime très-exceptionnel. Les idées de Vauban, d’ailleurs, ne furent jamais appliquées.

Ne cherchons donc pas, messieurs, à éclairer le sujet par des exemples qui seraient trompeurs. Voyons-le en lui-même, et jugeons le avec les seules lumières de notre raison.

Dans le sein de la Commission, le projet de loi a été attaqué à des points de vue divers.

Quelques membres ont pensé que le résultat de la mesure proposée serait de modifier profondément le système actuel de la loi de recrutement, d’en changer l’esprit et d’en accroître les rigueurs. Plus la charge que cette loi fait peser, ont-ils dit, sur les familles et en particulier sur les citoyens pauvres, est lourde, plus il convient de ne point en étendre l’application à d’autres cas que ceux qu’elle a prévus. Le but de la loi du recrutement est de donner à l’État des soldats, non des colons ; elle est faite pour procurer à la France une armée, et non une population agricole à l’Algérie. Gardons-nous de lui demander plus que ce qu’ont voulu d’elle ceux qui l’ont faite, La mesure proposée ne changeât-elle pas l’esprit de la loi de recrutement, elle devrait probablement accroître l’effectif de l’armée française, car il serait nécessaire de remplacer à leur corps les soldats qui iraient dans les camps agricoles.

Cette opinion, vivement soutenue, a été vivement combattue. On a fait observer, sur le premier point, que, puisque les soldats n’étaient point forcés de devenir colons militaires, et ne restaient dans les camps agricoles que de leur plein gré, les rigueurs de la loi du recrutement n’étaient point augmentées. Quant à l’effectif, il a paru douteux aux honorables membres que le résultat de la mesure dût être de l’accroître, l’établissement des camps agricoles pouvant avoir pour effet de rendre inutile une partie de l’armée d’Afrique. D’autres membres ont critiqué le projet dans l’intérêt même de l’armée.

Suivant eux, il n’était pas sans inconvénient de créer des différences et des inégalités dans la condition des soldats ; de renvoyer