Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/115

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vie, des mois entiers dans la neige par un froid de 15 degrés, avec sept ou huit heures de jour, le reste la nuit, pendant laquelle ne peut s’exercer l’influence de la discipline ; où les hommes sont dans le domaine de la mort, non seulement pour quelques heures, comme à la bataille, mais où des mois entiers ils vivent dans la lutte continuelle contre la faim et le froid, quand, pendant un mois, meurt la moitié de l’armée, c’est en parlant de cette période que les historiens racontent que Miloradovitch devait faire une marche de flanc par ci et Tormassov par là, que Tchitchagov devait se déplacer là-bas (se déplacer dans la neige montant au-dessus des genoux) et qu’il fallait cerner, couper, etc., etc.

Les Russes réduits de moitié par la mort firent tout ce qu’on pouvait et devait faire pour atteindre un but digne d’un peuple, et ils ne sont pas coupables si d’autres Russes, dans des chambres bien chauffées, échafaudaient des plans impossibles.

Toute cette contradiction étrange, incompréhensible, entre le fait et la description de l’historien vient de ce que les historiens qui ont décrit cette campagne ont fait l’historique des beaux sentiments et des paroles de quelques généraux au lieu de décrire l’histoire des événements.

Les paroles de Miloradovitch, les récompenses reçues par tel ou tel général et leurs plans, leur semblent très intéressants, mais ces cinquante mille