Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/278

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d’un coup, sans erreur, par une sorte de don, prenait pour gérant, starosta, intendant, ceux mêmes qu’auraient choisis les paysans, et les chefs qu’ils nommaient n’étaient jamais remplacés. Avant d’étudier la composition chimique de l’engrais, avant d’étudier le « doit et avoir » (comme il disait ironiquement), il apprenait des paysans la quantité du bétail et l’augmentait par tous les moyens. Il ne permettait pas aux familles nombreuses de paysans de se scinder ; les paresseux, les débauchés et les faibles étaient également persécutés et il tâchait de s’en débarrasser.

Pendant les semailles et les récoltes de foin et de blé, il surveillait équitablement ses propres champs et ceux des paysans, et peu de propriétaires avaient des terres aussi bien entretenues et rapportant autant que les siennes.

Il n’aimait point avoir affaire aux paysans attachés à la cour. Il les appelait des « mange-pain perdu », et de l’avis de tous il les gâtait et leur laissait trop de liberté. Quand il fallait donner un ordre concernant un paysan de la cour et surtout quand il fallait punir, il prenait conseil de toute la maison. Mais quand il était possible d’enrôler un domestique au lieu d’un paysan, il le faisait sans hésitation. Dans tous les ordres concernant les paysans il n’éprouvait jamais le moindre embarras : chacun de ses ordres — il le savait — serait approuvé par tous, à une ou deux exceptions près.