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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/185

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faut s’expliquer. Au nom de Dieu, viens, j’ai peur ! »

Elle cacheta le billet et le remit au domestique.

Quand le domestique sortit de la chambre, elle eut peur d’y rester seule et se rendit dans la chambre des enfants.

« Quoi ! Ce n’est pas ça… Ce n’est pas lui ! Où sont ses yeux bleus, son sourire charmant et timide ? » telle fut sa première pensée quand, au lieu de Serge, elle aperçut sa petite fille, grassouillette, rouge, avec ses cheveux noirs bouclés.

Dans le chaos de ses pensées, elle s’attendait à trouver Serge dans la chambre des enfants.

La fillette, assise près d’une table, frappait avec persévérance un bouchon sur celle-ci. Ses petits yeux noirs comme des cassis se fixèrent bêtement sur sa mère.

Ayant répondu à l’Anglaise qu’elle se portait très bien, et qu’elle partait le lendemain à la campagne, Anna s’assit près de la fillette et se mit à faire tourner le bouchon devant elle.

Mais le rire haut et sonore de l’enfant, le mouvement de ses sourcils lui rappelèrent si vivement Vronskï, qu’en retenant ses sanglots elle se leva et partit.

« Est-ce que tout est terminé ? Non, c’est impossible ! pensa-t-elle. Il retournera. Mais comment m’expliquera-t-il ce sourire, cette animation, après sa conversation avec elle ? Si même il ne me les explique pas, je croirai tout… Car si je ne le croyais