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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/186

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pas, il ne me resterait qu’une chose à faire, et je ne le veux pas. »

Elle regarda la pendule. Douze minutes s’étaient écoulées :

« Maintenant il a déjà reçu mon billet… il revient… Il n’y a plus longtemps à attendre… Dix minutes… Mais s’il ne vient pas ? Non, c’est impossible… Il ne faut pas qu’il me trouve les yeux en larmes ; je vais aller me laver. Oui, oui, mais suis-je peignée ou non ? » Elle ne se le rappelait pas. Elle tâta ses cheveux avec la main : « Oui, je suis coiffée ; mais quand ? je ne me souviens pas du tout. »

Ne se fiant pas à ses mains, elle s’approcha du trumeau pour voir si en effet elle était coiffée ou non. Elle était coiffée et ne pouvait se rappeler quand elle l’avait fait. « Qui est-ce ? » pensa-t-elle voyant dans le miroir un visage fiévreux aux yeux étrangement brillants et pleins d’effroi. « Oui, c’est moi », comprit-elle soudain, et, se regardant toute, elle sentit tout à coup ses baisers et eut un tressaillement d’épaules. Puis elle porta la main à ses lèvres et la baisa. « Quoi ! Est-ce que je deviens folle ? » Elle alla dans sa chambre à coucher, que faisait Annouchka ?

— Annouchka, dit-elle, s’arrêtant devant la femme de chambre sans savoir que lui dire.

— Vous voulez aller chez Daria Alexandrovna, dit Annouchka, comme si elle eût compris.