Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol28.djvu/165

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souhaiterais autant à tout le monde. Je ne me plains pas. J’ai tout dit dans le temps à mon vieux, il m’a pardonnée. Il ne me reproche rien. Je ne suis pas mécontente de mon sort, le vieux est doux. Il est bon pour moi. J’habille, je lave ses enfants et il m’en sait gré. Pourquoi me plaindrais-je ? C’est Dieu qui l’a voulu ainsi. Et ta vie ? Tu es riche.

NIKITA

Ma vie ? Je ne veux pas troubler la noce, autrement je prendrais une corde, celle-là, (Il ramasse une corde sur la paille.), je la jetterais sur cette poutre, puis je ferais soigneusement un joli nœud coulant, je grimperais sur la traverse et je me ficherais la corde au cou. Voilà ce que c’est que ma vie !

MARINA

Voyons ! Que Dieu te garde !

NIKITA

Tu crois que je plaisante, tu crois que je suis ivre. Je ne suis pas ivre, le vin ne me saoule plus, maintenant ! Le chagrin, le chagrin m’a dévoré ! Et si bien dévoré que rien ne m’intéresse plus ! Ah ! Marina, je n’ai eu de bon temps qu’avec toi ! Te rappelles-tu nos nuits quand j’étais au chemin de fer ?

MARINA

Ne ravive pas une ancienne blessure. J’ai accepté