Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/165

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tenir les chiens qui, à chaque pas, trouvaient des traces, et il tira encore une paire de faisans, si bien, que perdant ainsi son temps, il était déjà près de midi quand il reconnut l’endroit où il était venu la veille.

Le jour était tout à fait clair, calme et chaud ; la fraîcheur matinale, même dans la forêt, avait disparu, et des myriades de moucherons enveloppaient littéralement son visage, son dos et ses mains. Le chien noir était devenu gris ; tout son dos était couvert de moucherons. Les vêtements, à travers lesquels ils piquaient, étaient aussi tout à fait gris. Olénine était déjà prêt à s’enfuir loin des moucherons, déjà il lui semblait impossible de vivre dans la stanitza durant l’été, déjà il voulait aller à la maison, mais en songeant que, cependant, des hommes y vivaient, il résolut de tout supporter et de se laisser piquer. Et, chose étrange, vers midi, cette sensation lui devint même agréable. Il lui semblait même que, sans cette atmosphère de moucherons qui l’enveloppait de toutes parts, sans cette pâte de moucherons qui s’écrasaient sous la main sur le visage en sueur, et sans cette démangeaison par tout le corps, la forêt perdrait pour lui son caractère et son charme. Ces myriades d’insectes allaient si bien à cette végétation sauvage et puissante, à cette multitude de bêtes et d’oiseaux qui emplissaient la forêt, à cette verdure sombre, à cet air parfumé et chaud, à ces petits fossés