Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/166

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d’eau trouble qui surgissaient partout du Terek et clapotaient quelque part sous le feuillage, qu’il trouvait maintenant agréable, ce qui, auparavant, lui semblait terrible et insupportable. Arrivé à l’endroit où, la veille, il avait trouvé la bête, et, n’y rencontrant rien, il voulut se reposer. Le soleil était droit au-dessus de la forêt, et lui chauffait le dos et la tête dès qu’il sortait dans la clairière ou sur la route. Sept lourds faisans lui tiraient les reins jusqu’à le faire souffrir, Il découvrit les traces du cerf d’hier, il s’installa sous un buisson de la forêt au même endroit où, la veille, le cerf s’était couché et s’allongeait près de son gîte.

Il regarda autour de lui la verdure sombre, l’endroit couvert de sueur, de fumier de la veille, la trace des genoux du cerf, une motte de terre noire déplacée par le cerf en fuite et l’empreinte de ses propres pas. Il avait frais, se sentait à l’aise, il ne pensait à rien, ne disait rien. Mais, tout à coup, il fut envahi sans cause par un tel sentiment de bonheur et d’amour universel que, par une habitude d’enfance, il se signa et se mit à remercier quelqu’un. Tout à coup, avec une clarté extraordinaire, lui venait en tête ceci : « Moi, Dmitrï Olénine, un être si différent de tout, maintenant, je suis étendu, seul, Dieu sait où, dans cet endroit qu’habite un beau vieux cerf qui, peut-être jamais, n’a vu un homme. Je suis dans un endroit