Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/312

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— Oui, oui, — fit Nekhludov tout confus, en tirant son portefeuille.

Elle jeta un regard rapide sur le sous-directeur qui se promenait dans la salle.

— Donnez sans qu’il le voie ; autrement on me prendrait l’argent.

Nekhludov prit dans son portefeuille un billet de dix roubles, mais au moment où il allait le lui remettre, le sous-directeur se retourna. Il cacha le billet dans sa main. « Mais c’est une créature morte », — songeait Nekhludov, en considérant ce visage si charmant jadis, maintenant vulgaire et bouffi, et le regard mauvais des yeux noirs qui louchaient, suivant les mouvements du sous-directeur et les gestes de la main qui tenait le billet de dix roubles. Et il eut un moment d’hésitation.

Le tentateur dont il avait entendu la voix l’autre nuit, parlait de nouveau en Nekhludov, pour le détourner de penser à ce qu’il devait, et le faire songer plutôt aux conséquences de ce qu’il voulait faire.

« Jamais tu ne feras rien de cette femme », — lui disait cette voix : — « tu ne réussiras qu’à te mettre au cou une pierre pour te noyer et t’empêcher d’être utile aux autres. Donne-lui de l’argent, tout celui qui est dans ton portefeuille, dis-lui adieu et finis-en de tout cela pour toujours. »

Mais il sentit qu’en cette minute s’accomplissait la chose la plus importante pour son âme, que sa