Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/335

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— Si tu lui parlais, Mikhaïlovna, dit la garde-barrière à Maslova, faisant allusion à Nekhludov.

— Je lui en parlerai. Il ferait tout pour moi, répondit Maslova avec un sourire et en secouant la tête.

— Oui, mais quand viendra-t-il ? et on dit qu’on est déjà allé les chercher, répondit Fédosia. C’est affreux, ajouta-t-elle avec un soupir.

— Moi, un jour, j’ai vu battre un paysan à la chancellerie cantonale. Mon beau-père m’avait envoyée chez le staroste, et voilà qu’en arrivant… et la garde-barrière entama une interminable histoire.

Mais son récit fut coupé net par des bruits de pas et de voix, dans le corridor de l’étage supérieur.

Les femmes se turent et prêtèrent l’oreille.

— Ils les traînent, les diables, — s’écria la Belle. Ils vont le tuer maintenant. Surtout que les surveillants sont furieux contre lui parce qu’il les empêche d’en faire à leur tête.

Au-dessus, on n’entendit plus rien, et la garde-barrière reprit son récit, racontant comment on avait en sa présence, sous un hangar, fouetté à mort un paysan, et qu’à cette vue ses entrailles en avaient tressauté dans son ventre. La Belle raconta à son tour comment Stchéglov avait été fustigé, sans pousser une seule plainte. Puis Fédosia desservit le thé ; Korableva et la garde-barrière