Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/205

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de croix, du même geste inconscient qu’il avait essuyé sa bouche, puis il attacha son sabre. Maintenant, adieu, dit-il, je dois sortir.

— Nous sortirons ensemble, dit Nekhludov, serrant avec plaisir la large et forte main de Bogatyrev ; et il le quitta sur le perron de sa maison, comme toujours sous l’impression agréable de quelque chose de sain, d’inconscient et de frais.

Nekhludov, suivant le conseil de Bogatyrev, bien qu’il n’en espérât rien de bon, se rendit chez Toporov, de qui dépendait le sort des sectaires.

La situation occupée par Toporov impliquait une de ces contradictions intimes, dont seul un homme borné et dénué de sens moral pouvait ne pas s’apercevoir. Toporov était précisément cet homme-là. Cette contradiction inhérente à sa situation résidait en ceci : il fallait soutenir et défendre par divers moyens extérieurs, la violence même, l’Église qui se prétend instituée par Dieu lui-même et qui ne peut être ébranlée ni par les suppôts de l’enfer, ni par aucun effort humain. Cette inébranlable institution divine devait être soutenue et défendue par l’institution humaine à la tête de laquelle se trouvait Toporov avec ses fonctionnaires. Toporov ne voyait ou ne voulait pas voir cette contradiction, et il se souciait gravement d’empêcher qu’un prêtre catholique, un pasteur ou un sectaire portassent quelque atteinte à cette Église que ne peuvent ébranler les suppôts de