Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/216

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dessina un sourire qui parut à Nekhludov tout à fait ironique. Je vais fumer, ajouta-t-il.

Nekhludov restait assis, attendant ce quelque chose que Mariette avait à lui dire, mais elle ne lui disait rien, ne cherchait pas même à lui dire quelque chose, et plaisantait, parlait de la pièce, la croyant intéressante et particulièrement touchante pour Nekhludov.

Nekhludov s’aperçut vite qu’elle n’avait jamais eu rien à lui dire et qu’elle avait simplement voulu qu’il la vit dans toute la séduction de sa toilette de soirée, avec ses épaules et son grain de beauté. Il en ressentit à la fois du plaisir et du dégoût.

Ce voile de charme qui naguère recouvrait tout cela fut soulevé pour Nekhludov, et il vit tout ce qu’il cachait, ou plutôt il voyait à travers ce voile. Il avait plaisir à regarder Mariette, mais il savait qu’elle était une menteuse, vivant avec un mari qui montait en grade au prix des larmes et de la vie de centaines et de centaines d’hommes, et que cela lui importait peu ; que tout ce qu’elle lui avait dit la veille était faux mais qu’elle voulait — il ignorait pourquoi et sans doute elle-même l’ignorait-elle — se faire aimer de lui. Et cela le flattait et l’irritait à la fois. À plusieurs reprises, il fut sur le point de partir ; il prenait même son chapeau, puis restait.

Mais enfin, quand le mari revint dans la loge, ses épaisses moustaches imprégnées d’une forte odeur