Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

horrible souffrance. Je ne m’attendais pas à tant souffrir. Je l’ai traitée avec haine et dégoût. Puis m’étant souvenu que tant de fois j’avais commis, ne fût-ce qu’en pensée, ce qui me la faisait haïr, soudain, je me suis méprisé moi-même ; j’ai éprouvé de la compassion pour elle et j’ai ressenti du bien-être. S’il nous était donné de toujours voir la poutre qui est dans notre œil, combien nous serions meilleurs ! » Puis à la date du jour il nota : « Je suis allé chez Nathalie, et, précisément parce que j’étais satisfait de moi-même, je ne fus pas bon, mais méchant ; et cela m’a laissé une impression pénible. Mais que faire ? Dès demain commence une vie nouvelle. Adieu l’ancienne vie, et pour toujours ! Quantité d’impressions s’accumulent, mais je n’en puis encore dégager une conclusion unique. »

Le lendemain, à son réveil, le premier sentiment de Nekhludov fut un vif regret de sa conduite envers son beau-frère. « On ne peut se quitter ainsi, se dit-il, il faut aller chez eux, effacer cela. » Mais en consultant sa montre il s’aperçut qu’il n’en avait pas le temps et que, pour ne pas manquer la sortie du convoi, il devait se hâter. Nekhludov acheva en toute hâte d’emballer ses effets, les fit porter directement à la gare par le portier et Tarass, le mari de Fedosia, qui partait avec lui ; puis il héla le premier fiacre vide et se rendit à la prison.