Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/375

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brouillard. Les taches rouges s’élargissaient et éclairaient davantage, et Nekhludov put distinguer les piquets de la haie, la silhouette noire d’une sentinelle qui faisait les cent pas, la borne aux raies peintes et la guérite.

Le factionnaire lança son réglementaire : « Qui vive ? », et apprenant que c’étaient des étrangers, il se montra sévère jusqu’à ne pas leur permettre d’attendre près de la haie. Mais le guide de Nekhludov ne s’alarma point de cette sévérité du factionnaire.

— Eh ! mon bonhomme, comme tu es bourru ! dit-il. Eh bien, appelle-donc un gradé, et nous l’attendrons.

Le factionnaire, sans lui répondre, cria quelque chose par la petite porte de la cour, puis se mit à regarder avec attention comment le robuste garçon s’y prenait pour décrotter, avec un morceau de bois, les chaussures de Nekhludov. Derrière le mur d’enceinte on entendait un bruit de voix d’hommes et de femmes. Au bout de trois minutes, les ferrures de la petite porte grincèrent, la porte s’ouvrit et de l’obscurité surgit sur l’espace éclairé par la lanterne un sous-officier, son manteau jeté sur les épaules, qui demanda ce qu’on lui voulait. Nekhludov lui remit sa carte de visite, où il avait écrit quelques mots d’avance, priant l’officier de le recevoir pour une affaire personnelle ; et il demanda au gradé de la transmettre à l’officier.