Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/374

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Pendant les six dernières étapes, les chefs de convoi, bien que changés à chaque étape, avaient tous refusé à Nekhludov l’accès de la prison ; de sorte que depuis plus d’une semaine, il n’avait pas vu Katucha. Cette sévérité provenait de ce qu’on attendait la visite d’un haut personnage de l’administration pénitentiaire. Mais il était passé sans même jeter un regard sur les étapes et maintenant Nekhludov espérait obtenir de l’officier qui avait pris le matin la direction du convoi, l’autorisation de voir les prisonniers, comme la lui avaient accordée ses prédécesseurs.

La patronne de l’auberge offrit à Nekhludov une voiture pour le conduire jusqu’à l’étape qui était située à l’autre bout du village ; mais Nekhludov préféra s’y rendre à pied. Un jeune garçon, aux épaules herculéennes, chaussé d’énormes bottes fraîchement goudronnées, proposa à Nekhludov de l’y accompagner. Le brouillard tombait et il faisait si noir que Nekhludov n’apercevait plus son compagnon dès que celui-ci s’écartait à trois pas des endroits éclairés par la lumière des fenêtres, et il n’entendait plus que le clapotis de ses bottes dans la boue épaisse et gluante. Après avoir traversé la place de l’église, puis une longue rue bordée de maisons aux fenêtres éclairées, Nekhludov, à la suite de son guide, se trouva à l’extrémité du village, dans une obscurité absolue. Mais bientôt, il aperçut devant lui les feux des lanternes dans le