Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/347

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— Natalie, vos cheveux, murmura Sonia. Le valet, avec politesse, se glissa rapidement devant les dames et ouvrit la porte de la loge. On entendit plus distinctement la musique ; les rangs éclairés des loges brillaient de dames aux bras nus et l’orchestre étincelait d’uniformes.

La dame qui entra dans la baignoire voisine regarda Natacha d’un regard envieux de femme.

Le rideau n’était pas encore levé, on jouait l’ouverture. Natacha, en rajustant sa robe, passa avec Sonia et s’assit en regardant les rangs éclairés des loges de face. La sensation, qu’elle n’avait pas éprouvée depuis longtemps, que des centaines d’yeux regardaient ses bras et son cou nus, tout à coup la saisit agréablement et désagréablement, en excitant en elle une foule de souvenirs, de désirs correspondant à cette sensation.

Les deux jeunes filles remarquablement jolies, Natacha et Sonia, accompagnées du comte Ilia Andréiévitch qu’on n’avait pas vu depuis longtemps à Moscou attiraient l’attention générale. En outre, tout le monde connaissait vaguement les fiançailles de Natacha avec le prince André, on savait que, depuis, les Rostov vivaient à la campagne et l’on regardait avec curiosité la fiancée d’un des plus beaux partis de la Russie.

De l’avis de tous, Natacha avait embelli à la campagne, et ce soir, à cause de son émotion, elle était particulièrement belle. Elle frappait par la