Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/130

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vitch aimait recopier des vers, je me mis à fureter dans ses papiers, et parmi des vers allemands, j’en trouvai de russes, sortis sans doute de sa propre plume :

À madame L… à Pétrovskoï, 3 juin 1828.

Souvenez-vous de près,
Souvenez-vous de loin,
Souvenez-vous de moi,
Encore aujourd’hui et toujours
Rappelez-vous, jusqu’à ma tombe,
Que je puis aimer fidèlement.

Karl Mayer.

Ces vers, d’une belle ronde, sur un beau papier à lettres, me plurent par la sentimentalité touchante dont ils étaient pénétrés ; immédiatement je les appris par cœur et me résolus à les prendre pour modèle. L’affaire marcha plus rapidement. Le jour de la fête, mon compliment en douze vers était prêt, et m’installant devant la table de la salle de classe, je le recopiai sur un vélin.

Deux feuilles de papier furent bientôt gâchées… non que je voulusse corriger quelque chose, les vers me semblaient excellents ; mais à partir du troisième, les lignes commençaient à monter de plus en plus, si bien que même de loin, on voyait que c’était écrit tout de travers, et ne valait rien.

La troisième feuille était aussi de travers que