Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/146

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un peu fier dans ses relations. Cela venait de ce qu’occupant une situation où il pouvait être utile à beaucoup de gens, il tâchait, par la froideur, d’écarter les supplications incessantes des hommes qui ne voulaient que profiter de son influence. Cependant cette froideur était atténuée par la politesse bienveillante d’un homme du très grand monde. Il était très instruit et très érudit, mais son instruction se bornait à ce qu’il avait appris dans sa jeunesse, c’est-à-dire à la fin du siècle dernier. Il avait lu tout ce que la France avait donné de remarquable en philosophie et en éloquence au dix-huitième siècle ; il connaissait à fond les grands chefs-d’œuvre de la littérature française, si bien qu’il pouvait citer, et aimait à le faire, des passages de Racine, de Corneille, de Boileau, de Molière, de Montaigne, de Fénelon ; il savait parfaitement la mythologie ; il avait étudié fructueusement, en traductions françaises, les poèmes épiques de l’antiquité, et avait d’assez vastes connaissances d’Histoire, puisées dans Ségur ; mais il n’avait aucune idée des mathématiques, sauf l’arithmétique, de la physique et de la littérature contemporaine. Pendant une conversation il pouvait garder un silence poli ou prononcer quelques phrases banales sur Gœthe, Schiller, Byron, mais il ne les lut jamais. Malgré cette éducation franco-classique, dont il reste maintenant peu d’exemples, sa conversation était très simple, et cette simplicité cachait à la fois