Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/246

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assombrit encore le côté opposé à l’horizon, mais je n’ai plus peur. J’éprouve un sentiment doux, inexprimable, de l’espoir de la vie, qui remplace bien vite en moi le sentiment pénible de la peur. Mon âme sourit de même que la nature rafraîchie, égayée. Vassili rabat le col de son manteau, ôte son bonnet et le secoue. Volodia rejette le tablier, je me penche hors de la britchka et bois avidement l’air rafraîchi et parfumé. La caisse brillante, lavée de la voiture, avec la malle et les valises, se balance devant nous ; les dos des chevaux, les harnais, les guides, les roues, tout est mouillé et brille au soleil, comme recouvert d’un vernis. D’un côté de la route, le champ immense couvert des semailles d’automne et coupé, de ci et de là, de ravins peu profonds, brille de la terre mouillée et de la verdure et s’étend comme un tapis sombre jusqu’à l’horizon même ; de l’autre côté, le bois de trembles, bordé de petits buissons de noisetiers et de merisiers, reste immobile, comme dans un débordement de bonheur, et les lourdes branches lavées laissent tomber lentement des gouttes claires de pluie, sur les feuilles desséchées de l’année précédente. De tous côtés, avec une chanson gaie, les alouettes tourbillonnent et s’abaissent ; dans le buisson mouillé, on perçoit le mouvement des petits oiseaux, et du bois, on entend nettement le coucou. Cette odeur délicieuse de la forêt après l’orage du printemps ; cette odeur de bou-