Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/371

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— Voilà, je ne vous croyais pas si intelligent — dit-il avec un sourire charmant et jovial. Et tout à coup je me sentis extrêmement heureux.

La louange agit si fortement, non-seulement sur les sentiments mais aussi sur l’intelligence de l’homme, que, sous son influence agréable, il me sembla que j’étais devenu beaucoup plus intelligent, et les idées, l’une après l’autre, avec une rapidité extraordinaire, me venaient en tête. Après l’amour-propre, nous passâmes sans le remarquer à l’amour, et, sur ce sujet, la conversation semblait inépuisable. Bien que nos raisonnements eussent pu sembler, à un auditeur étranger, un galimatias absurde — tant ils étaient peu clairs et limités — ils avaient pour nous une grande importance. Nos âmes étaient si bien d’accord que le moindre contact à une fibre quelconque de l’une, trouvait son écho dans l’autre. Nous trouvions du plaisir précisément dans cette harmonie constante des diverses cordes que nous touchions au cours de cette conversation. Il nous semblait n’avoir pas assez de paroles et de temps pour exprimer l’un à l’autre toutes les idées qui demandaient à s’épancher.