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étaient seuls correctement appuyés à la muraille : l’Histoire des Voyages ; venaient ensuite des livres longs, épais, minces, des couvertures sans livres, des livres sans couvertures, le tout fourré n’importe comment, lorsqu’on nous ordonnait, avant la récréation, de ranger « la bibliothèque », comme Karl Ivanovitch appelait pompeusement cette tablette. La collection des livres, sur la sienne, si elle n’était pas si grande que la nôtre était encore plus variée. Je m’en rappelle trois : une brochure allemande, non reliée, sur l’engrais des terrains destinés à la culture des choux ; un volume de l’histoire de la guerre de Sept ans, — en parchemin dont un coin était brûlé — et un cours complet d’hydrostatique. Karl Ivanovitch passait une grande partie de son temps à lire, au point de s’abîmer les yeux, mais en dehors de ces livres et de l’Abeille du Nord, il ne lisait rien.

Parmi les objets posés sur la tablette de Karl Ivanovitch, un surtout me le rappelle le plus. C’était un rond de carton monté sur un pied de bois autour duquel il se mouvait par des ardillons. Sur le rond était collée une petite image représentant la caricature d’une dame et d’un perruquier. Karl Ivanovitch était très habile à coller et c’était lui qui avait inventé et fabriqué ce rond, afin de garantir ses yeux faibles de la lumière trop crue.

Maintenant encore, je vois devant moi sa longue personne, avec sa robe de chambre de cotonnade,