Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelques traits l’état de sa situation. Pas d’argent, un père qui déclarait n’en plus vouloir donner et ne plus payer aucune dette. Un tailleur déterminé à l’arrêter et un second tailleur tout aussi déterminé. Un colonel résolu, si ce scandale continuait, à lui faire quitter le régiment. La baronne, ennuyeuse comme un radis amer, surtout à cause de ses continuelles offres d’argent, et une autre femme, une beauté style oriental sévère, « genre Rébecca », qu’il faudrait qu’il lui montrât. Une affaire avec Berkashef, lequel voulait envoyer des témoins, mais n’en ferait certainement rien ; au demeurant, tout allait bien, et le plus drôlement du monde. Là-dessus Pétritzky entama le récit des nouvelles du jour, sans laisser à son ami le temps de rien approfondir. Ces bavardages, cet appartement où il habitait depuis trois ans, tout cet entourage contribuait à faire rentrer Wronsky dans les mœurs insouciantes de sa vie de Pétersbourg ; il éprouva même un certain bien-être à s’y retrouver.

« Est-ce possible ? s’écria-t-il en lâchant la pédale de son lavabo qui arrosait d’un jet d’eau sa tête et son large cou. Est-ce possible ? — Il venait d’apprendre que Laure avait quitté Fertinghof pour Miléef. — Et il est toujours aussi bête et aussi content de lui ? Et Bousoulkof ?

— Ah ! Bousoulkof ! c’est toute une histoire ! dit Pétritzky. Tu connais sa passion pour les bals ? Il n’en manque pas un à la cour. Dernièrement, il y va avec un des nouveaux casques. As-tu vu les nou-