Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/568

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astres autour de la terre immobile, ces mêmes mouvements dont je suis témoin, comme des millions d’hommes l’ont été pendant des siècles, et qui peuvent toujours être vérifiés ? Et, de même que les conclusions des astronomes eussent été fausses et inexactes s’ils ne les avaient pas basées sur leurs observations du ciel apparent, relativement à un seul méridien et à un seul horizon, de même toutes mes conclusions sur la connaissance du bien et du mal seraient privées de sens si je ne les rapportais à la révélation que m’en a faite le christianisme, et que je pourrai toujours vérifier dans mon âme. Les rapports des autres croyances avec Dieu resteront pour moi insondables, et je n’ai pas le droit de les scruter. »

« Tu n’es pas rentré ? dit tout à coup la voix de Kitty, tu n’as rien qui te préoccupe ? demanda-t-elle en examinant attentivement le visage de son mari à la clarté des étoiles. Un éclair sillonnant l’horizon le lui fit voir calme et heureux.

« Elle me comprend, pensa-t-il en la voyant sourire ; elle sait à quoi je pense ; faut-il le lui dire ? » Mais au moment où il allait parler, Kitty l’interrompit.

« Je t’en prie, Kostia, dit-elle, va jeter un coup d’œil dans la chambre de Serge pour voir si tout y est en ordre. Cela me gêne d’y aller.

— Fort bien, j’y vais », répondit Levine en se levant pour l’embrasser.

« Non, mieux vaut me taire, pensa-t-il tandis que la jeune femme rentrait au salon ; ce secret