Page:Tolstoï - De la vie.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelconque. L’homme voit que son moi, son individualité, ce qui seul à ses yeux représente la vie, est en lutte continuelle avec le monde entier, avec ce monde contre lequel toute lutte est impossible ; il s’aperçoit qu’il recherche des jouissances qui ne sont que des simulacres de biens et qui aboutissent fatalement à des souffrances, et qu’il s’efforce de conserver une vie qu’on ne peut conserver.

Il voit que lui-même, cette individualité, unique mobile de ses aspirations au bien et à la vie, ne peut posséder ni l’un ni l’autre, et que ce qu’il désire, le bien et la vie, est le partage unique de ces êtres qui lui sont étrangers, qu’il ne sait pas et ne saurait sentir et dont il ne peut ni ne veut connaître l’existence. La chose la plus importante pour lui, la seule qui lui soit nécessaire, ce qui à ses yeux vit seul d’une vie véritable, son individualité, périt et ne sera qu’un mélange d’os et de vers, mais non plus lui, tandis que ce dont il n’a pas besoin, ce qui n’a pas d’importance à ses yeux, ce qu’il ne sent pas vivre, tout ce monde d’êtres occupés à lutter et à se supplanter, tout cela