Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/76

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instant) il ne me demandera pas si j’ai défendu Yunan-Po, avec ses dépôts de bois, ou Port-Arthur, ou même cette organisation qu’on appelle l’État russe et qu’il ne m’a pas confiée. Mais il me demandera ce que j’ai fait de cette vie qu’il m’avait donnée, si je l’ai employée à ce à quoi elle était destinée et pourquoi elle m’était confiée. Il me demandera si j’ai rempli sa loi.

De sorte qu’à la question : Que faut-il faire maintenant que la guerre est commencée ? moi, homme qui comprends ma destination, quelque situation que j’occupe, je ne puis donner d’autre réponse que celle-ci : En n’importe quelle circonstance, que la guerre soit commencée ou non, que des milliers de Japonais et de Russes soient tués ou non, qu’on ait pris non seulement Port-Arthur, mais Pétersbourg et Moscou, je ne puis agir autrement que Dieu l’exige de moi. Et c’est pourquoi je ne puis ni directement, ni indirectement, ni par des ordres, ni par mon aide, ni par l’approbation, ni par l’excitation, participer à la guerre : je ne le puis pas, ne le veux pas, n’y participerai pas. Qu’adviendra-t-il immédiatement ou dans un bref délai de ce fait que je cesse de faire ce qui est contraire à la volonté de Dieu, je l’ignore et ne puis le savoir. Mais je crois qu’en accomplissant la volonté de Dieu, il n’en peut advenir que du bien pour moi et pour tous les hommes.