Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/94

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évident aux yeux de tous, que pour les Russes même à leur point de vue patriotique, militaire, la défaite a été honteuse, mais ils tâchent d’inspirer aux hommes crédules que ces malheureux ouvriers russes, amenés dans le piège comme des bêtes à l’abattoir, que ces hommes dont on a égorgé et mutilé plusieurs milliers, simplement parce qu’un général n’a pas compris ce qu’a dit un autre général, que ces hommes ont commis un acte héroïque, par ce fait que ceux d’entre eux qui n’ont pas pu s’enfuir ont été tués, et que ceux qui se sont enfuis sont restés vivants. Et le fait qu’un de ces hommes horribles, immoraux, cruels, qu’on appelle généraux et amiraux, a noyé plusieurs Japonais pacifiques est également décrit comme un acte héroïque qui doit réjouir les Russes. Et dans tous les journaux, on publie un appel terrible au meurtre !

« Que 2.000 soldats russes tués sur le Yalou, avec le Revitzan et les autres navires atteints, avec nos torpilleurs perdus, que tout cela apprenne à nos croiseurs avec quelle fougue ils doivent s’élancer sur les côtes du Japon ! Puisqu’il a envoyé ses soldats verser le sang russe, on ne doit pas lui faire grâce. Maintenant, on ne peut faire du sentiment, ce serait un crime : il faut porter des coups terribles dont le souvenir fasse frissonner le cœur perfide des Japo-