Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/104

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— Pourquoi rendre ? Je me serais enfui, et si quelqu’un avait voulu m’arrêter, je l’aurais tué. Voilà tout…

— Alors, tu as gagné ?

– Aya ! J’ai ramassé tout et suis parti.

Loris Melikoff comprenait parfaitement Khan-Magom et Eldar. Khan-Magom était un garçon joyeux et noceur qui ne savait à quoi dépenser l’excès de vie qu’il sentait en soi ; toujours gai, insouciant, jouant sa vie et celle des autres. À cause de ce jeu de la vie, il était venu maintenant chez les Russes, et demain, pour la même raison, il se pourrait qu’il retournât chez Schamyl.

Eldar aussi était très compréhensible. C’était un jeune homme entièrement dévoué à son chef, calme, fort, de volonté ferme.

Le seul que ne pouvait comprendre Loris Melikoff, c’était le roux Gamzalo. Loris Melikoff voyait que cet homme non seulement était un admirateur de Schamyl, mais qu’il éprouvait pour tous les Russes un dégoût invincible, du mépris et de la haine. Aussi Loris Melikoff ne pouvait-il comprendre pourquoi il était venu chez les Russes. Il lui était venu la pensée, partagée par quelques-uns des chefs, que le ralliement de Hadji Mourad et ses dires sur son hostilité envers Schamyl n’étaient que tromperies ; qu’il n’était venu chez les Russes que pour bien voir leur côté faible, mais qu’ensuite il s’enfuirait de nouveau dans les montagnes, et là, dirigerait ses forces sur les points où les Russes était faibles. Et Gamzalo,