Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/282

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chassé du couvent pour inconduite, mais qui avait conservé l’habitude de porter l’habit religieux. Il s’appelait Nicolas Pétrovitch Serpoff.

Voici comment ces deux hommes s’étaient rencontrés. Serge Vassilievitch, après avoir terminé sa thèse et écrit quelques articles dans les revues de Moscou, s’en alla à la campagne, afin, disait-il, de se plonger dans le fleuve de la vie du peuple et de se rafraîchir dans les flots du courant populaire. Au bout d’un mois passé à la campagne dans l’isolement absolu, il écrivit à son camarade en littérature et directeur de sa revue, la lettre suivante :

« Cher monsieur et ami Ivan Finoguéitch, — Nous ne devons et ne pouvons prévoir ni résoudre la question dont la solution se trouve dans le tréfonds mystérieux de la vie du peuple russe. Il est nécessaire d’étudier profondément plusieurs des côtés différents de l’esprit russe et ses manifestations. Le détachement de la vie… Les réformes de Pierre le Grand, etc.. »

Le sens de cette lettre était que Serge Vassilievitch, après avoir pénétré dans la vie du peuple, s’était convaincu que le problème de la destination du peuple russe était beaucoup plus profond et difficile qu’il ne l’avait supposé. En conséquence, pour résoudre ce problème, il croyait nécessaire d’entreprendre un voyage à pied à travers toute la Russie, et il demandait à son ami d’attendre, pour aborder cette question, la fin de son voyage, lui promettant d’exposer alors, dans une série de longs articles, ce qu’il aurait appris.