Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/283

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Aussitôt qu’il eut écrit cette lettre, Serge Vassilievitch s’occupa des préparatifs matériels du voyage, et, quelque pénible que cela fût pour lui, il dut songer lui-même aux détails de sa mise. Il se procura une pelisse de peau de mouton, des bottes à clous, un bonnet, et, se cachant de ses domestiques, il se regarda longuement devant une glace. Il ne pouvait pas supprimer les lunettes, il était très myope. Une autre partie des préparatifs consistait à s’assurer l’argent pour la route, au moins 300 roubles. Il n’y avait pas d’argent au bureau. Serge Vassilievitch fit mander le staroste et le commis, et trouvant d’après les livres qu’il devait y avoir 180 tchetvert[1] d’avoine, il donna l’ordre de les vendre. Le staroste fit observer que cette avoine avait été laissée pour les semences. Alors Serge Vassilievitch, ayant parcouru le registre des seigles, trouva là 160 tchetvert de seigle. Il demanda si ce seigle suffirait pour les semailles, à quoi le staroste lui répondit par la question s’il ne voulait pas ordonner d’ensemencer le vieux seigle ? Le résultat de l’entretien fut que le staroste comprit que Serge Vassilievitch s’entendait moins qu’un enfant à l’exploitation ; et Serge Vassilievitch comprit que le seigle était déjà ensemencé et qu’ordinairement on semait le grain de la nouvelle récolte, de sorte que ces 160 tchetvert pouvaient être vendus. L’argent reçu, Serge Vassilievitch se préparait à partir, quand, un soir, il entendit dans l’office une voix

  1. La tchetvert vaut 2Hl,097.