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LA MÈRE


INTRODUCTION


JE connaissais Marie Alexandrovna depuis son enfance. Comme il arrive souvent entre jeunes gens, des relations très amicales s’étaient établies entre nous. Mais il n’y eut jamais rien de semblable à un flirt, excepté une fois, à une soirée chez nous à laquelle assista toute la famille de Marie Alexandrovna, et où l’on joua aux « Dames et Cavaliers ». Elle était alors une fillette de quinze ans, aux gros bras rouges, et avec ses jolis yeux noirs et sa longue tresse brune, elle produisit sur moi une telle impression que, ce soir-là, je m’imaginai que j’étais amoureux d’elle. Mais cela ne dura que cette soirée. Le reste du temps, pendant les quarante années de notre connaissance, il n’y eut entre nous que ces bons rapports amicaux entre hommes et femmes qui s’estiment mutuellement, et qui sont particulièrement agréables parce qu’il sont totalement étrangers à l’amour.

Tels étaient mes rapports envers Marie Alexandrovna. Cette amitié m’a valu beaucoup de