Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

assez mal sa mère et était mécontente de sa vie. Mojaïski lui-même, en son temps, avait fait ses études au séminaire, et, en 1840, il en était sorti un des premiers. Il se préparait à entrer à l’Académie et rêvait du professorat, de l’archevêché ; mais sa mère, la veuve d’un diacre, qui avait encore quatre autres enfants, un fils ivrogne et trois filles, se trouvait dans une grande misère ; et la décision qu’il prit alors, devait donner à toute sa vie un caractère de sacrifice et de renoncement. Pour ne pas attrister sa vieille mère, il décida de renoncer à son rêve de l’Académie et de devenir prêtre de village. Il fit cela par amour pour sa mère, mais il s’expliquait tout autrement son acte. Il se l’expliquait par sa paresse, par son indifférence envers la science. La place de prêtre d’un bourg, point riche, ne pouvait être obtenue qu’à la condition d’épouser la fille de l’ancien prêtre. Le poste n’était pas rémunérateur et le vieux prêtre était pauvre ; sa famille — sa veuve et deux filles — était pauvre aussi. Annette, à laquelle était liée la réception de la place, était une jeune fille pas jolie mais très hardie. Elle enchanta littéralement Vassili Davidovitch, si bien qu’il l’épousa sans réfléchir. Vassili Mojaïski se maria et devint le père Vassili, d’abord avec des cheveux courts, ensuite avec des cheveux longs ; et il vécut heureusement avec sa femme, Anna Tikhonovna, pendant vingt-deux ans, malgré la courte intrigue romanesque d’Anna Tikhonovna avec un étudiant, fils de l’ancien diacre. Il était resté aussi bon pour