Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/333

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— Oui, c’est la volonté de Dieu. C’est entendu. Mais la vie est très difficile mon père. Je suis seul. Que faire des enfants ?

— Ne te décourage pas. Dieu t’aidera.

Le paysan ne répondit pas et se contenta de crier sur sa jument qui, du trot, s’était mise à aller au pas ; et il tira sur ses traits de corde. Étant entrés dans la forêt, où la route était partout très mauvaise, longtemps ils avancèrent en silence, en cherchant le côté de la route qui serait le meilleur. Ce n’est qu’une fois sortis sur la grand’route bordée de champs verts, que le prêtre engagea de nouveau la conversation.

— Le blé est beau, dit-il.

— Pas vilain, répondit le paysan, et il n’ajouta rien de plus. Ils arrivèrent à l’izba de la malade à l’heure du premier déjeuner.

La femme vivait encore. Elle ne souffrait plus, et, n’ayant pas la force de se retourner, elle restait allongée sur le lit, et la vie ne se manifestait en elle que par les mouvements des yeux. Elle regardait suppliante le prêtre, et ne regardait que lui seul. La vieille se trouvait près d’elle. Les enfants étaient sur le poêle. L’aînée des fillettes, en chemise sale, les cheveux embroussaillés, se tenait debout, la main droite appuyée sur la table, comme une grande personne, et, en silence, regardait sa mère.

Le prêtre s’approcha de la malade, récita les prières, l’administra et alla lire des prières devant l’icône.