Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/345

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« Que le diable l’emporte ! » avait dit Agrafena à Semen. Elle croyait qu’il était nécessaire de parler ainsi. Mais quand, après avoir dételé son cheval, elle alla avec des jeunes filles se baigner, elle se rappela tout le temps Paul, sa jolie personne, sa petite moustache, son visage gai, son jeu sur l’accordéon, et son sourire de plaisir qu’il ne pouvait retenir à la pensée qu’il dansait si bien. Elle se rappela ensuite comme il s’était approché d’elle, à Noël, l’avait choisie parmi toutes les jeunes filles et, timidement, respectueusement, l’avait embrassée.

C’est ainsi qu’au village, ce 15 juin, on pensait à Paul. Ce même jour arrivait à Paul un événement en apparence peu important, mais qui devait avoir comme conséquence de modifier toute sa vie.

III

Dix-huit mois auparavant le père de Paul l’avait conduit en ville. Il s’était arrangé avec un juif, propriétaire d’une fabrique de parfumerie, et, laissant à son fils les chemises et les gilets préparés par Axinia, lui-même était reparti.

Paul avait vécu à la campagne comme vivaient tous les autres, se guidant par ce qui guide la vie de l’immense majorité des hommes. Autrement dit, il se guidait par ce qu’il voyait faire autour de lui, par ce que faisait son prochain. S’il s’écartait de ce que tous faisaient, ce n’était qu’entraîné