Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/366

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— Tire, toi, lui cria Paul ; moi je ne puis pas.

Il s’engagea dans la rue en courant. Mais à sa rencontre accouraient des gens. Paul s’enfonça dans une cour vide, mais avant qu’il ait eu le temps de se retourner, une foule de gens l’entourait et se mettait à le frapper de tous côtés.

XV

« Qu’est-ce, qu’est-ce donc ? » se disait Paul, ne comprenant rien, alors que battu, harcelé, tout en sueur, sans chapeau, les vêtements déchirés, assis sur son séant, il tâchait de parer des coudes les coups qui pleuvaient sur son visage meurtri, et qu’essayait d’atteindre encore le portier de l’immeuble voisin. Il ne commença à se ressaisir que quand des agents de police, écartant la foule qui le frappait, le relevèrent et l’emmenèrent. Différentes pensées lui venaient en tête : pourquoi n’avait-il pas couru du même côté qu’Anossoff ? Pourquoi n’avait-il pas tiré sur le portier ? Et il se reprochait de n’avoir pas agi ainsi. Tantôt il se rappelait comment il avait exécuté ce qu’il avait promis à Vladimir Vassilievitch. Ce n’est pas à lui qu’est dû l’insuccès, mais à Anossoff qui a perdu trop de temps avec le patron. Ces pensées se confondaient avec une sensation de mal au cou, et avec le souvenir du visage effrayé du patron et du visage également effrayé du portier. « Oui, il fallait ne pas avoir peur. Oui, il fallait tuer, » pensait-il.