Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/230

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l’on voudra, mais non sur le principe de l’Église. Les institutions de l’État ignorent carrément l’Église, L’idée que l’Église puisse servir de base à la justice, à la propriété, n’est que plaisante à notre époque. La science, non seulement ne soutient pas la doctrine de l’Église, mais, sans le vouloir, est toujours hostile à l’Église dans son développement. L’art, qui ne servait jadis que l’Église, l’a complètement abandonnée. C’est peu de dire que la vie humaine s’est entièrement émancipée de l’Église ; elle n’a aujourd’hui d’autre rapport avec l’Église que le mépris, tant que l’Église ne se mêle pas de ses affaires, et que la haine, aussitôt que l’Église tente de lui rappeler ses anciens droits. Si la formule que nous appelons Église existe encore, c’est uniquement parce que les hommes ont peur de briser le vase qui contenait jadis quelque chose de précieux. C’est la seule manière de s’expliquer l’existence, à notre époque, du catholicisme, de l’orthodoxie et des différentes Églises protestantes.

Toutes les Églises — catholique, orthodoxe, protestante — ressemblent à des sentinelles qui gardent soucieusement un prisonnier, alors que le prisonnier est depuis longtemps en liberté, se promène parmi les sentinelles, et leur fait même la guerre. Tout ce qui constitue actuellement la vie, c’est-à·dire l’activité des sociétés humaines dans le sens du progrès vers le bien : le socialisme, le communisme, les nouvelles théories politico-économiques, l’utilitarisme, la liberté et l’égalité des hommes, des classes sociales et des femmes, tous les principes moraux de l’humanité, la sainteté du travail, de la raison, de la science, de l’art, tout ce qui donne l’impulsion au monde et paraît hostile à l’Église,