Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/229

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cations de quoi ? Une explication métaphysique n’a de l’importance que quand il y a une doctrine de la vie qu’elle sert à expliquer. Mais l’Église ne possède que l’explication d’une organisation qu’elle avait jadis sanctionnée et qui n’existe plus. L’Église n’a plus rien, excepté les temples, les images, les draps d’or et les mots.

L’Église a porté la lumière de la doctrine chrétienne à travers dix-huit siècles et, voulant la cacher dans ses vêtements, elle s’est brûlée elle-même à cette lumière. Le monde, avec son organisation sanctifiée par l’Église, a repoussé l’Église au nom de ces mêmes principes du christianisme que l’Église apporta involontairement, et le monde existe sans elle. C’est un fait accompli, et il est impossible de le cacher. Tout ce qui vit vraiment, mais ne se morfond pas dans un isolement haineux, tâchant de gâter la vie aux autres ; tout ce qui est vivant dans notre monde européen s’est détaché de l’Église, de toutes les Églises et vit de son existence, indépendamment de l’Église. Et qu’on ne dise pas qu’il en est ainsi dans l’Europe occidentale tombée en pourriture ; notre Russie par ses millions de chrétiens rationalistes, civilisés et non civilisés, qui ont repoussé la doctrine de l’Église, prouve incontestablement que, sous le rapport de l’émancipation du joug de l’Église, elle est, Dieu soit loué, beaucoup plus pourrie que l’Europe.

Tout ce qui est vivant est indépendant de l’Église.

Le pouvoir de l’État est basé sur la tradition, sur la science, sur le suffrage du peuple, sur la force brutale, sur tout ce que vous voudrez, mais non sur l’Église.

Les guerres, les relations d’État à État, reposent sur le principe de nationalité, d’équilibre, sur tout ce que