Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/82

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J’avais le sentiment que je me trouvais en présence d’un cas tout à fait semblable à celui qui ressort du passage : « Ne jugez point ». Je sentais qu’ici et là le sens simple et grand, précis et pratique avait été voilé et que les commentateurs se mouvaient dans le vague. Je sentais que Jésus, en disant : « Va, et réconcilie-toi avec ton frère » n’entendait pas : « Réconcilie-toi en idée ». Que veut dire, d’ailleurs : réconcilie-toi en idée ? Je comprenais que Jesus dit ce qu’il veut dire en se servant des paroles du prophète : « Je veux la miséricorde, non pas les sacrifices » c’est-à-dire je veux l’amour des hommes entre eux. C’est pourquoi si tu veux être agréable à Dieu, avant de prier, matin et soir, à la messe ou aux vêpres, interroge ta conscience, et, si quelqu’un est en colère contre toi, va et fais en sorte qu’il ne le soit plus ; alors seulement prie si tu veux.

Après cela, que signifie le commentaire : « Reconcilie-toi en idée ? »

Je sentais que tout ce qui détruisait pour moi le sens vrai et direct du verset provenant du mot : « sans cause » ; si on pouvait le rejeter, le sens devenait limpide, mais tous les commentateurs étaient unanimes contre mon interprétation, et surtout j’avais contre moi l’Évangile canonique qui renferme les mots « sans cause ».

Que je m’écarte du texte dans ce passage, me disais-je, je pourrai m’en écarter ailleurs arbitrairement ; d’autres pourront en faire autant… Toute l’affaire est dans ces mots. Si ces mots n’y étaient pas tout serait clair. Faisons donc une tentative pour expliquer philologiquement, d’une manière ou d’une autre, ces mots : « sans